Une manifestation au cœur de l’actualité politique et économique

03.10.2023
Quoi de mieux que la fin d’une session parlementaire et le vote sur le Mantelerlass pour animer les journées romandes des directeurs et cadres? Cette première édition à Martigny a été l’occasion de présenter les défis techniques et politiques à relever pour amener la Suisse vers un approvisionnement sûr en électricité, tout en développant l’infrastructure nécessaire.

Quelques 120 cadres et directeurs d’entreprises suisses d’approvisionnement en énergie ont fait le déplacement à Martigny les 28 et 29 septembre 2023 à l’occasion des Journées romandes des directeurs et cadres (JDC). Un programme riche et varié, qui a permis des échanges sur des thèmes spécifiques, tels que l’internalisation de la commercialisation chez SIE, le choix de solutions smart meter aux SIG ou encore les différences entre REMIT et la Loi fédérale sur la surveillance et la transparence des marchés des gros de l’énergie (LSTE). Et également l'occasion de mettre l’accent sur l’actualité politique.  

«La branche doit se bouger» si elle veut mener la Suisse vers un approvisionnement sûr tout en diminuant les émissions de CO2 a rappelé Michael Frank, directeur de l’association, en introduction de ces journées. Le Mantelerlass pose les premiers jalons dans la bonne direction. On renonce à la libéralisation du système de mesure, la méthode du prix moyen a été abolie et les prescriptions pour l’efficacité ont été admises comme nécessaires, même si ce n'est pas le modèle de la branche qui a été retenu. C’est donc un compromis acceptable pour la branche. Il s’agit maintenant de rappeler aux politiques qu’il est primordial de développer le réseau parallèlement à l’accélération des procédures. Et il s’agit aussi de souligner l’importance d’un accord avec l’Union Européenne. 

Les conséquences du Mantelerlass pour les GRD 

Actualité politique oblige, Mohamed Benahmed, responsable de la section Réseaux de l’OFEN, est revenu sur les conséquences du Mantelerlass pour les GRD et a présenté le calendrier serré pour une application des décisions au 1er janvier 2025. Sécurité d’approvisionnement, efficacité énergétique et intégration de l’électricité renouvelable dans le réseau sont trois thèmes importants pour l’OFEN. Il s’agit d'augmenter la production hivernale et de limiter les importations, de renforcer les économies en favorisant l’efficacité énergétique et de créer des communautés électriques locales (CEL). 

Suite à sa présentation, Mme Tiziana Pichon (SiL), Messieurs Vincent Collignon (SIG) et Pierre Oberson (Groupe E) ont débattu avec lui sur les mesures en question. Alors que l’abolition de la méthode du prix moyen était approuvée à l’unanimité et que les exigences en matière d’efficacité étaient qualifiées de raisonnables par la majorité, les CEL et la création d’un «data hub» ont fait l’objet de divergences d’opinions. Leur coût et la charge administrative relative ont été mis en avant. Finalement toutes les mesures envisagées dans le Mantelerlass ont un point commun: elles nécessiteront de grands investissements et l’engagement de main d’œuvre supplémentaire. Il s’agira de trouver le personnel et les fonds nécessaires. 

La Suisse et l’UE: économie et réseau 

La crise de l’énergie a mis en évidence que, sans accord avec l’UE, l’approvisionnement de la Suisse est mis à mal. Or l’UE réfléchit à une réforme du marché de l’énergie et à plusieurs outils qui permettraient d’éviter une nouvelle crise. «Il ne s’agit pas d’une révolution mais d’évolutions» a souligné Frédéric Gonand, professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine. L’un de ces outils, le «hub virtuel» permettrait d’agréger, à l’intérieur de l’UE, l’offre et la demande de plusieurs zones d’échanges indépendantes des frontières, dans le but d’accroitre les liquidités et de fournir aux acteurs plus de moyens pour lutter contre la volatilité des prix à court terme. Sans accès au marché européen, la Suisse ne profitera pas de cet outil.  

Depuis le troisième paquet de directives de l'UE, les règles du jeu des marchés de l'électricité en Suisse et dans l'UE divergent de plus en plus. La Suisse est moins informée sur les échanges d’électricité convenus entre les pays qui l’entourent. Emanuele Colombo, conseiller stratégique senior chez Swissgrid, l’a mentionné: «Le système électrique est de plus en plus sous pression face à des congestions qui compliquent l'exploitation du réseau et Swissgrid doit davantage intervenir». En étant exclue des processus européens, la Suisse fait face à une augmentation de flux non planifiés qui pèsent sur son réseau.  

Autre source de «tensions»: l’électrification 

La politique énergétique de la Suisse est une autre source de «tensions» pour le réseau national.  L’électrification des transports, nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques, entraîne des besoins supplémentaires. Le projet de mobilité électrique de CarPostal est un exemple parmi d’autres. Julien Burri, chef de projet, explique certaines difficultés rencontrées lors de la mise en place de lignes de bus électriques. Les infrastructures de recharge ont un grand besoin en puissance et la charge doit généralement se faire de nuit, en dehors des heures de transport. Il s’agit donc d’amener assez de puissance à un moment où le photovoltaïque ne peut pas produire. La mise en place de l’infrastructure nécessaire prend du temps.  En outre, à l’exemple des bus sédunois réalisés en collaboration avec OIKEN, les dépôts se trouvent souvent dans des zones industrielles, lieux où d’autres besoins énergétiques sont ou seront présents. 

Dans le contexte de l’électrification de la mobilité, il s’agit donc de produire plus et de stocker pour que la charge puisse avoir lieu la nuit ou d’optimiser la flotte de bus pour que la recharge puisse avoir lieu le jour; des mesures nécessaires si on veut éviter que l’électrification soit un facteur de pénurie d’électricité. 

Pénurie: priorisation aux contingentements et visualisation des délestages 

Même si l’hiver 2023 s’annonce moins tendu, plusieurs scénarios pourraient tout de même amener à une pénurie. Lukas Küng, responsable d’OSTRAL, a évoqué quelques nouveautés: une solution pour les clients «multisite» et une solution pour le commerce des contingentements ont été mises en place. De plus, pour éviter à tout prix les délestages, le taux de contingentement peut être augmenté au-delà de 50% et, si la technique le permet, le GRD a la possibilité d’accepter un contingentement au même niveau plutôt qu’un délestage. Le délestage ne se ferait alors que là où le contingentement n’est pas possible. 

Une carte permettra la visualisation des délestages sur toute la Suisse et une fenêtre sans délestage sera aménagée pour que des échanges de données puissent avoir lieu sur le territoire. Les GRD auront l’obligation de fournir les données avant l’hiver et le financement devrait être intégré dans le tarif réseau (15 ct par personne pour 2024).  

Tarifs de l’électricité : le point avec l’ElCom 

Le risque de pénurie et les mesures pour y faire face ont un coût; le marché de l’électricité est tendu; les réseaux doivent être développés. Laurianne Altwegg, vice-présidente de l'ElCom, a évoqué les tarifs 2024 et souligné les différences entre les cantons.  

Elle a mentionné les nombreuses demandes reçues par l’ElCom concernant les mesures que les GRD ou les communes peuvent prendre pour réduire les hausses tarifaires, dont la formation de découverts, la prolongation du délai de réduction des différences de couverture ou la renonciation aux redevances ou au bénéfice. Les soucis dus à la nouvelle infrastructure pour la transmission des données ont aussi été expliqués. 

Finalement, elle s’est attardée sur le cas particulier du raccordement des batteries de stockage sans consommation finale, qui nécessite parfois des renforcements de réseaux importants et qui aura certainement aussi un coût pour le consommateur.  

Le mot de la fin: travailler ensemble pour soutenir la branche 

Les journées romandes des directeurs et cadres se sont terminées par le plaidoyer du responsable des affaires publiques de l’AES, Dominique Martin, pour un travail en commun face aux défis de la branche. La votation sur le Mantelerlass l’a prouvé: en travaillant ensemble, la branche délivre des messages clairs, qui sont compris par le monde politique. Il s’agit maintenant de continuer sur cette voie pour les défis futurs: l’accélération des procédures aussi pour le réseau, les consultations sur les ordonnances, l’accord avec l’UE, l’ouverture du marché ou la biodiversité. 

Après avoir remercié les membres des différentes commissions de l’AES qui ont permis ce succès politique, Dominique Martin a indiqué que plusieurs ateliers et manifestations auront lieu sur l’application du Mantelerlass, dont la journée des thèmes-clés du 13 novembre prochain à Lausanne. 

A vos agendas : la prochaine édition des journées romandes des directeurs et cadres aura lieu à Martigny les 26 et 27 septembre 2024. 

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L'accord avec l'UE